Tout ce qu‘il faut savoir sur l’Initiative Europe

En quelques mots: En quoi consiste l’Initiative Europe?

Ce que vous faites en signant l’Initiative Europe

Comment soutenir l’Initiative Europe

Obtenez le formulaire de signature pour l’Initiative Europe ici

Le texte de l’Initiative Europe

Qui est derrière l’Initiative Europe?

Dans le détail: Comment comprendre le texte de l’Initiative Europe

Combien de temps dure la collecte de signatures pour l’Initiative Europe?

Le suivi de l’Initiative Europe après la collecte des signatures

«Notre patrie est la Suisse,

mais la patrie de la Suisse est l’Europe».

Peter von Matt

 

En quelques mots: En quoi consiste l’Initiative Europe?

 

L’Initiative Europe vise à ancrer dans la Constitution fédérale la participation de la Suisse à l’intégration européenne en tant qu’élément essentiel de la politique étrangère de la Suisse. Cette intégration est principalement incarnée et portée par l’Union européenne (UE), qui compte actuellement 27 États membres. L’UE est la principale organisation politique et économique en Europe.

La Suisse est actuellement une île au milieu de l’UE. Pourtant, elle est étroitement liée à celle-ci. L’UE est de loin le principal partenaire commercial de la Suisse. Mais les liens ne sont pas seulement économiques. La Suisse partage avec l’UE les mêmes valeurs telles que les droits de l’homme, l’État de droit, la démocratie et l’économie de marché. En Suisse, nous parlons les mêmes langues et avons la même religion que nos voisins de l’UE. Les citoyens de l’Union constituent en outre le principal groupe d’étrangers en Suisse. La Suisse et l’UE ont conclu à ce jour plus de 120 accords bilatéraux. Les plus importants sont l’Accord de libre-échange (1972), l’Accord sur les assurances (1989), l’Accord de transit (1992), les Bilatérales I (1999) et les Bilatérales II (2004). Actuellement, la Suisse et l’UE négocient un nouveau paquet d’accords bilatéraux, le troisième (Bilatérales III).

L’Initiative Europe veut tenir compte de l’importance primordiale de l’UE pour la Suisse en introduisant un article constitutionnel. L’Initiative laisse délibérément ouverte la question de savoir comment la Suisse doit participer à l’intégration européenne. Cette participation peut intervenir par des accords bilatéraux, comme c’est le cas actuellement, par une adhésion à l’Espace économique européen (EEE), comme cela a déjà été tenté en 1992, ou même par une adhésion à l’UE. Mais une autre forme de participation est également possible; l’important est que la Suisse prenne part activement et de manière ambitieuse à l’intégration européenne. Celle-ci comprend également l’Association européenne de libre-échange (AELE), le Conseil de l’Europe et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). La Suisse est membre de ces organisations. L’alliance militaire de l’Atlantique Nord (OTAN), la principale organisation européenne en matière de politique de sécurité et de défense, participe également à l’intégration européenne. En tant qu’Etat neutre, la Suisse n’en fait pas partie.

Ce que vous faites en signant l’Initiative Europe

  • Vous veillez à ce que la Constitution fédérale tienne compte de l’importance primordiale pour la Suisse de l’intégration européenne portée avant tout par l’UE.
  • Vous demandez au Conseil fédéral et au Parlement de mener une politique européenne active.
  • Vous soutenez les négociations actuellement en cours entre la Suisse et l’UE sur un nouveau troisième paquet d’accords bilatéraux (Bilatérales III).
  • Vous demandez au Conseil fédéral et au Parlement d’approfondir la participation de la Suisse à l’intégration européenne au-delà des Bilatérales III en signant d’autres traités, par exemple dans des domaines tels que le climat, la culture et/ou la sécurité.
  • Vous empêchez la Suisse de retomber dans un simple accord de libre-échange avec l’UE. Vous obligez ainsi le Conseil fédéral à mener une politique européenne ambitieuse.
  • Vous veillez à ce que la participation de la Suisse à l’intégration européenne se fasse dans le respect et la sauvegarde de la démocratie directe, du fédéralisme, de la durabilité et de l’équilibre social.
  • Vous donnez un signal fort contre la politique d’isolement et le patriotisme de réduit de l’UDC et des cercles nationaux conservateurs qui lui sont proches.

Comment soutenir l’Initiative Europe

Vous téléchargez ici le formulaire de signature, le signez vous-même, recueillez les signatures de vos connaissances et amis et envoyez le formulaire rempli le plus rapidement possible à l’adresse suivante: Europa-Initiative, case postale 6, 9215 Schönenberg. La collecte des signatures se poursuit jusqu’au 2 octobre 2025. L’association La Suisse en Europe s’est engagée à fournir au moins 2500 signatures à l’Initiative Europe.

Vous pouvez soutenir l’Initiative Europe non seulement par votre signature, mais aussi par un don d’argent. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de l’Initiative Europe.

Le texte de l’Initiative Europe

Initiative populaire fédérale
« Pour une Suisse forte en Europe (Initiative Europe) »

La Constitution fédérale[1] est modifiée comme suit :

Art. 54a[2]           Intégration européenne

1 La Confédération participe activement à l’intégration européenne.

2 Elle conclut à cette fin des traités internationaux avec l’Union européenne permettant une participation durable et évolutive aux libertés du marché intérieur européen et à d’autres domaines de la coopération européenne, notamment la culture, la formation, la recherche et la protection du climat.

3 La Confédération et les cantons garantissent, dans les limites des traités en vigueur, que les valeurs fondamentales de la démocratie et du fédéralisme, les ressources naturelles ainsi que l’équilibre social au sein de la collectivité et sur le marché du travail sont protégés.

Art. 197, ch. 16[3]

16) Disposition transitoire relative à l’art. 54a (Intégration européenne)

Au plus tard après l’acceptation de l’art. 54a par le peuple et les cantons, le Conseil fédéral conclut sans retard les traités nécessaires avec l’Union européenne. Il les soumet à l’approbation de l’Assemblée fédérale dans un délai de 12 mois après la clôture des négociations. Il propose dans le même temps les mesures nécessaires à la mise en œuvre de l’art. 54a, al. 3. Celles-ci garantissent notamment que le principe européen de l’égalité des conditions pour un même travail au même endroit est appliqué de manière efficace et durable en Suisse.

 

Qui est derrière l’Initiative Europe?

L’initiative européenne est soutenue par l’Opération Libero en tant que leader, les associations d’étudiants VSS-UNES-USU, les Verts suisses, les Jeunes Verts, le Mouvement européen Suisse, la Société pour la coopération transfrontalière, VOLT, FOMOSA (Forum pour l’Europe centrale et orientale), l’Association suisse des orchestres professionnels et l’Association La Suisse en Europe.

Dans le détail: Comment comprendre le texte de l’Initiative Europe

Contexte

 L’initiative s’inscrit dans le chapitre «Compétences» et, selon l’article 54 de la Constitution fédérale (Cst.), dans les «Affaires étrangères». Il s’agit donc d’un article qui, d’une part, définit la politique européenne comme une compétence constitutionnelle principale de la Confédération et, d’autre part, concrétise les objectifs et les conditions-cadres constitutionnels des affaires étrangères, notamment lorsque celles-ci concernent les relations avec les organisations supranationales et internationales du continent européen, en particulier, mais pas exclusivement, l’Union européenne. Les dispositions de l’art. 54a et les dispositions transitoires précisent que l’initiative Europe admet également la possibilité d’une adhésion à l’UE ou à l’Espace économique européen (EEE) ou d’un processus d’intégration par une autre voie future, sans toutefois exiger l’une d’entre elles. La Constitution fixe des objectifs sans définir constitutionnellement la voie à suivre.

Art. 54a Intégration européenne

Introduction

Le terme d’«intégration européenne» ne désigne pas un état ni un arrangement institutionnel spécifique (par exemple, l’adhésion) au sein d’une des organisations européennes. Il désigne un processus d’approfondissement de la coopération et de développement juridique commun (qui ne va pas nécessairement toujours dans le même sens). Il s’agit du processus par lequel les États européens réorganisent, définissent, adaptent et développent en permanence leurs relations entre eux et avec les organisations internationales et supranationales européennes. Plus spécifiquement encore, il s’agit de l’organisation des relations de la Suisse avec les autres États européens et les organisations internationales et supranationales qu’ils ont créées pour l’Europe. C’est ce processus qui fait l’objet de l’article 54a de la Constitution. Pour ce processus, l’article fixe des objectifs et des principes. Le processus ne concerne pas seulement la relation avec l’UE, mais fondamentalement avec toutes les organisations internationales et supranationales dont les objectifs se rapportent expressément à l’Europe. Outre l’UE, il s’agit notamment de l’AELE, du Conseil de l’Europe et de l’OSCE, de la Commission économique pour l’Europe (CEE) des Nations Unies, mais aussi de l’OTAN.

L’art. 54a doit être compris comme un complément à l’art. 54 et comble une lacune de la Constitution fédérale: pour la première fois, les droits, les devoirs et les objectifs de la politique européenne de la Suisse sont ancrés dans la Constitution. Le fait que l’intégration européenne soit inscrite dans un art. 54a autonome et non dans un nouvel alinéa de l’art. 54 existant met en évidence l’importance de l’intégration européenne pour les affaires étrangères de la Suisse. L’art. 54a constitue une lex specialis par rapport à l’art. 54: Certes, la Constitution est complétée par des objectifs spécifiques de la politique européenne de la Suisse, mais les dispositions de l’art. 54 continuent en principe de s’appliquer à la politique européenne de la Suisse.

alinéa 1

1  La Confédération participe activement à l’intégration européenne.

L’al. 1 donne à la Confédération (et aux cantons) une orientation fondamentale et une consigne d’aménagement, et ancre pour la première fois notre relation avec l’Europe dans la Constitution. La norme est programmatique et exprime l’abandon d’une politique jusqu’ici largement réactive. Il n’est pas possible d’en déduire des exigences directes. L’objectif général fixé par l’alinéa est que la Suisse participe activement au processus d’intégration et joue, sous une forme ou une autre, un rôle proactif dans la configuration des relations mutuelles des États européens et des organisations créées à cet effet. L’objectif est donc une Suisse qui participe à l’élaboration des politiques européennes, et qui ne se contente pas d’être élaborée par elles. Ce processus n’est toutefois pas une fin en soi, mais un moyen d’atteindre les objectifs constitutionnels normatifs fixés par la disposition. Il sert notamment à concrétiser dans le contexte régional les objectifs fixés par l’art. 54 Cst. précédent : la protection et la promotion de la paix, de la liberté individuelle, de la démocratie et de la prospérité.

En ce qui concerne la signification exacte de la notion d’intégration, on peut se référer aux explications contenues dans l’introduction.

alinéa 2

2 Elle conclut à cet effet des accords internationaux avec l’Union européenne, qui permettent une participation garantie et évolutive aux libertés du marché intérieur européen et à d’autres domaines de la coopération européenne, notamment la culture, l’éducation et la recherche, et la protection du climat.

L’al. 2 constitue le noyau juridique de l’initiative. Il oblige le Conseil fédéral et le Parlement à négocier avec l’Union européenne et à présenter des règles contractuelles et des institutions qui redonnent à la Suisse la capacité d’agir, à renouveler les accords existants et à négocier de nouveaux accords sur des domaines de coopération dans lesquels la Suisse souhaite coopérer. Que cette situation soit atteinte par un seul traité (par exemple un accord-cadre ou un traité d’adhésion à l’EEE ou à l’UE) ou par une multitude de traités (par exemple des protocoles additionnels aux accords d’accès au marché existants) et la participation à des programmes individuels, ou encore par un autre arrangement et une nouvelle architecture dans le cadre d’une coopération européenne, n’a pas d’importance. Ce qui est déterminant, c’est que l’arrangement contractuel créé garantisse la participation de la Suisse aux processus de décision par le biais d’un droit de regard ou d’une codécision, que le développement du droit dans le cadre des engagements pris et que le règlement des litiges soient également déterminés. Il faut créer une situation dans laquelle l’UE ne réagit plus aux nouvelles demandes de coopération en objectant que les questions institutionnelles doivent d’abord être réglées  Ces exigences s’appliquent à toutes les formes d’intégration, mais laissent des marges de manœuvre différentes. Elles sont les plus grandes dans le cadre d’une intégration sectorielle par des accords bilatéraux, plus étroites dans l’EEE ou dans une Europe à plusieurs vitesses, et les plus petites dans le cadre de l’adhésion. La Constitution ne prescrit pas le degré d’intégration à atteindre. Alors que l’alinéa laisse ouverte la question de savoir quel arrangement contractuel permettrait à la Suisse de retrouver sa capacité d’action et de développer une politique d’intégration active, la Constitution fixe certaines exigences et domaines minimaux qui lient le Conseil fédéral et le Parlement. Cette énumération n’est pas exhaustive, mais peut également couvrir d’autres domaines existants et des domaines futurs, notamment dans le secteur de la politique de sécurité et de l’approvisionnement du pays.

L’expression «une participation garantie et évolutive aux libertés du marché intérieur européen» se réfère aux quatre libertés qui sont déjà largement réalisées dans le marché intérieur européen et qui sont continuellement approfondies, à savoir la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Ces libertés ne sont pas simplement des objectifs politiques, mais comprennent des droits individuels qui s’appliquent directement non seulement dans l’UE et l’EEE, mais aussi en Suisse. Les porteurs de ces libertés sont les personnes qui vivent ou ont leur siège en Suisse. Cette tournure oblige à collaborer à la réalisation progressive de ces libertés en même temps qu’elle interdit d’y renoncer  comme un objectif prospectif, c’est-à-dire de s’écarter de l’objectif minimal d’une participation au moins partielle au marché intérieur. Tant que le marché intérieur européen existe, cette tournure oblige donc la Suisse à y participer au moins partiellement. Le remplacement d’une participation (partielle) au marché intérieur européen par un simple libre-échange sans garantie de droits économiques individuels dans l’accès au marché deviendrait ainsi anticonstitutionnel. Dans la pratique, cette disposition aura surtout des répercussions dans le domaine des services, où les réglementations n’existent jusqu’à présent que dans certains secteurs (transport aérien, transport terrestre et assurances) et  ne sont pas, à elles seules,adaptées à une économie de services ouverte.

L’une des principales caractéristiques qualitatives des relations institutionnelles avec l’Union européenne, exigée par l’article, est la capacité de développement. La Constitution fixe cet objectif, mais n’indique pas la voie à suivre. En tant que mandat constitutionnel, les relations doivent pouvoir être réorganisées et/ou développées là où cela correspond à un souhait de la Suisse. Pour cela, il faut que le cadre institutionnel nécessaire soit mis en place et suive le rythme de l’évolution. Il existe une sorte de mandat préventif pour le cas où la Suisse aurait besoin de développer ses relations, à savoir que le cadre institutionnel existe également à cette fin. L’une des caractéristiques de la capacité d’action et de la souveraineté de la Suisse est qu’elle maintient ses relations dans un état qui leur permet d’évoluer. Est donc anticonstitutionnel tout état dans lequel un arrangement actuel avec l’UE a atteint ses limites et ne peut plus, pour des raisons institutionnelles, être adapté aux besoins du moment.

La formulation de cet alinéa précise que la participation (partielle) au marché intérieur doit constituer la base et le point de départ de la politique européenne de la Suisse, mais que celle-ci ne se limite pas à la participation au marché; il faut qu’à partir de cette base, d’autres domaines de la coopération et du processus d’intégration puissent être couverts, comme par exemple, aujourd’hui déjà, l’entrée temporaire à partir de pays tiers et certaines parties de la politique d’asile (Schengen/Dublin), et que d’autres domaines encore puissent être exploités, qui sont à nouveau mentionnés dans une énumération ouverte.

L’expression «participation (…) à d’autres domaines de la coopération européenne (…), notamment à la culture, à l’éducation, à la recherche (…)» fait référence aux programmes de l’UE (et aux éventuels programmes équivalents subséquents) qui servent aux échanges éducatifs (Erasmus+), à l’encouragement de la coopération en matière de recherche (Horizon) et à la promotion de la culture (Creative Europe). La disposition constitutionnelle oblige la Confédération à garantir les conditions de participation à ces programmes et à les négocier avec l’Union européenne.

La mention spéciale de la politique climatique aborde l’un des domaines de la coopération entre la Suisse et l’Europe qui n’est pas encore résolu et qui nécessitera une attention particulière à l’avenir. La mention particulière de la coopération en matière de protection du climat se justifie par le fait qu’il s’agit du prototype d’un défi qui dépasse la force des États individuels et qui exige une coopération entre les États pour résoudre un problème commun (Common Concern), en plus des mesures prises par les États au niveau interne. C’est donc aussi une idée de subsidiarité qui s’exprime ici. Et ici aussi, les bases institutionnelles d’une coopération doivent être créées. La politique climatique est le prototype d’une telle tâche. Sa mention dans une liste ouverte souligne qu’elle est peut-être le domaine de coopération le plus important, mais pas le seul, auquel ces caractéristiques s’appliquent.

On peut en particulier déduire de la disposition constitutionnelle une obligation pour la Suisse de participer aux efforts actuels de l’UE en matière de protection du climat et de préservation des bases naturelles de la vie, notamment dans le cadre du Green Deal européen. D’autres tâches de ce type se présenteront également dans le domaine de la sécurité de l’approvisionnement et de la politique de sécurité.

alinéa 3

3 La Confédération et les cantons garantissent, dans les limites des traités en vigueur, que les valeurs fondamentales de la démocratie et du fédéralisme, les ressources naturelles ainsi que  l’équilibre social dans la communauté et sur le marché du travail sont protégés.

L’al. 3 a pour mission d’inscrire l’intégration européenne selon la voie choisie par la politique dans une perspective sociale, démocratique et durable. Il se fonde sur la certitude que l’ouverture de la politique extérieure, et en particulier l’ouverture des marchés, est certes profitable aux intérêts du pays dans son ensemble, mais qu’elle requiert une attention particulière pour le maintien actif des conditions-cadres démocratiques, du fédéralisme, de l’environnement naturel et de l’équilibre social dans un environnement en phase d’ouverture. La démocratie et le fédéralisme sont ici abordés comme des «valeurs fondamentales» de la Suisse qu’il convient de cultiver et de préserver. Selon cette conception, il s’agit de décisions sociétales fondamentales de la Constitution qui doivent être entretenues et renouvelées activement, même dans des conditions changeantes. Dans le contexte de l’intégration européenne, cela signifie non seulement que la Confédération est tenue de préserver autant que possible l’ordre fédéraliste et le système de démocratie semi-directe lors de l’intégration, mais aussi et surtout qu’elle doit saisir l’occasion de l’intégration pour renouveler et faire revivre la démocratie et le fédéralisme et s’engager en faveur de ces valeurs également dans le processus d’intégration. Enfin, il en découle également le devoir de s’engager pour une Europe aussi démocratique et fédéraliste que possible.

En outre, l’al. 3 reconnaît notamment qu’il existe des segments de la population qui peuvent perdre à une ouverture rapide de l’économie et que cette perte doit être socialement absorbée et intégrée. L’al. 3 donne donc mandat à la Confédération et aux cantons, dans leurs domaines de compétence respectifs, de prendre des mesures de compensation sociale et de créer les bases légales nécessaires à cet effet. Cette norme de mission ne se limite pas aux seules mesures d’accompagnement sur le marché du travail, même si celles-ci peuvent être les plus importantes. Elle s’applique en principe à tous les conflits de répartition dans lesquels l’ouverture à l’Europe entraîne des pressions et des rejets. On pense par exemple au marché des services ou au marché locatif, à l’acquisition de propriété dans le cadre de la libre circulation des capitaux, à la libre circulation des personnes ainsi qu’ à la garantie du service public, en particulier lorsque celle-ci est nécessaire pour assurer l’équilibre social. Cette disposition généralise donc l’idée que l’ouverture économique doit s’accompagner d’un équilibre social, au-delà du marché du travail, et l’élève au niveau constitutionnel.

En outre, toutes les futures étapes d’ouverture devront également tenir compte de la préservation des bases naturelles de la vie en Suisse. Une réduction de la protection des bases naturelles de la vie sur la base d’accords internationaux selon l’art. 54a, al. 2, Cst. est donc exclue à l’avenir. En ce qui concerne le marché du travail, l’art. 54a, al. 3, Cst. exige au moins la protection des œuvres sociales et de la protection des travailleurs existantes, les élevant ainsi au niveau constitutionnel. Si cela s’avère nécessaire, la Confédération et les cantons doivent prendre des mesures supplémentaires. Des mesures de protection de politique commerciale s’imposent également si des secteurs économiques nationaux sont menacés de dommages sérieux. En vertu de l’art. 54a, al. 3, Cst., les personnes qui perdent leur emploi ou qui doivent fermer leur entreprise en raison de l’ouverture des marchés reçoivent le soutien de l’État nécessaire à leur réorientation professionnelle ou à leur réinsertion.

Dans la mesure où une ouverture du marché exercerait une pression sur le service public et le service universel en Suisse, cet alinéa constituerait en tout cas une base pour atténuer cette pression dans la mesure où la fonction sociale du service public – soit pour ceux qui fournissent le service, soit pour ceux qui profitent du service ou du service universel – devrait être maintenue ou compensée par des mesures alternatives. Le caractère général des mesures d’accompagnement demandées ici, qui ne se limitent pas au marché du travail, pourrait et devrait donc également atténuer cette éventuelle pression indirecte sur l’équilibre social en Suisse.

Ces mesures doivent toutefois s’inscrire dans le cadre des traités en vigueur; elles ne doivent pas enfreindre le droit international, ni les traités avec l’UE, ni les dispositions d’exception et possibilités de réglementations nationales que ces traités prévoient régulièrement. Cette responsabilité du législateur au niveau fédéral et cantonal sert d’une part à éviter les conflits et à entretenir la réputation de la Suisse en tant que partenaire fiable. En même temps, elle souligne que même en cas d’intégration poussée dans le marché intérieur, la marge de manœuvre locale et nationale pour des réglementations compatibles reste réservée. Elle charge le législateur d’utiliser cette marge de manœuvre en faveur des personnes les plus vulnérables de la société.

La possibilité de prendre de telles mesures présuppose, sur le plan institutionnel, une procédure de règlement des différends qui permette de régler, dans le respect de l’État de droit, les éventuelles divergences dans la mise en œuvre des traités. Cette procédure complète les voies de droit nationales ouvertes aux particuliers et est notamment dans l’intérêt de la Suisse. Selon le degré d’intégration, cette procédure de règlement des différends comprend la possibilité de s’écarter ponctuellement des réglementations de l’UE et d’accepter en contrepartie des mesures de compensation proportionnelles. De cette manière, la disposition permet de préserver l’ordre public suisse et les dérogations prises par le législateur également dans le cadre de la coopération européenne. Cette marge de manœuvre n’existe pas dans le cadre d’une adhésion à l’UE ou nécessite l’accord des Etats partenaires de l’EEE.

Dispositions transitoires Art. 197
Disposition transitoire ad art. 54a (Intégration européenne)

Art. 197, ch. 16

16) Disposition transitoire relative à l’art. 54a (Intégration européenne)

Au plus tard après l’acceptation de l’art. 54a par le peuple et les cantons, le Conseil fédéral conclut sans délai les traités nécessaires avec l’Union européenne. Il les soumet  à l’approbation de l’Assemblée fédérale dans  une délai de 12 mois après la clôture des négociations. Il propose dans le même temps,  les mesures nécessaires à la mise en œuvre de l’art. 54a, al. 3. Celles-ci garantissent notamment que le principe européen de l’égalité des conditions  pour un même travail au même endroit est appliqué de manière effective et durable en Suisse.

Les dispositions transitoires imposent deux obligations au Conseil fédéral. La première concerne l’ouverture immédiate des négociations, pour autant que celles-ci ne soient pas déjà en cours au moment de l’acceptation de l’initiative. Cette disposition s’applique donc également à l’avenir et vise à éviter de nouveaux retards, comme ceux que la Suisse a connus depuis l’adoption des Bilatérales II en 2004. La deuxième obligation concerne la présentation du résultat des négociations au Parlement, et ce en même temps que la législation nécessaire à l’intégration sociale, démocratique, fédérale et écologique du résultat des négociations (au sens de l’art. 54a, al. 3). Contrairement à l’article 141a Cst., un délai impératif de 12 mois est introduit ici sur la base de l’expérience acquise jusqu’à présent. Cette disposition est également valable pour l’avenir et n’est pas limitée dans le temps.

Alors que l’art. 54a Cst. pose la base constitutionnelle d’une série de domaines importants de la coopération, l’obligation d’entamer et de conclure des négociations ne concerne que les questions institutionnelles, c’est-à-dire la création de conditions permettant de créer une situation dans laquelle de nouveaux domaines de coopération pourront à nouveau être négociés et les anciens remis à jour. Il n’existe pas de délai pour la conclusion des négociations, car celle-ci dépend des deux parties et de leur accord. La disposition constitutionnelle proposée ne limite donc la position du Conseil fédéral dans les négociations que dans la mesure où il doit négocier une solution institutionnelle et qu’il ne peut pas repousser sans cesse l’ouverture des négociations à cet effet. Les négociations elles-mêmes doivent être menées par le Conseil fédéral sans ajournement tactique, comme le souligne l’expression «il s’efforce de conclure sans retard».

Un délai existe en revanche pour la période suivant la conclusion des négociations, c’est-à-dire au point où le Conseil fédéral a d’abord longuement retardé puis finalement interrompu la dernière tentative, en 2021. La prescription d’un délai de douze mois donne au Conseil fédéral suffisamment de temps pour préparer et élaborer des mesures législatives d’accompagnement déjà pendant les négociations et les soumettre au Parlement en même temps que les accords proprement dits au sens de l’art. 141a Cst. Le Parlement lui-même n’est pas tenu d’approuver le résultat des négociations et/ou la législation d’accompagnement. Il n’existe pas non plus de contraintes temporelles particulières pour le lancement d’un référendum et l’organisation d’une votation. Il en va de même, le cas échéant, pour le référendum obligatoire, pour autant qu’un traité comporte des éléments supranationaux ou qu’il s’agit d’adhérer à l’UE. Si le projet est rejeté en votation populaire, le Conseil fédéral doit négocier et présenter un nouveau résultat. Il va de soi que le peuple, qui doit approuver le résultat des négociations, n’est pas non plus lié par ce résultat. L’initiative permet donc au peuple (et éventuellement aux cantons) de se prononcer deux fois sur une solution institutionnelle. Une fois sous une forme abstraite, lors du vote sur l’initiative, et une fois sous une forme concrète, lors du vote sur le résultat des négociations.

Le terme «au plus tard» précise que le Conseil fédéral a la possibilité d’entamer des négociations à tout moment. L’initiative ne limite en rien cette possibilité. Si, sans cette disposition, le Conseil fédéral n’y est pas contraint par la Constitution, il peut et doit bien entendu les entamer et les poursuivre à tout moment, même avant une votation, et les poursuivre ou les reprendre si l’initiative devait échouer. Dans cette mesure, l’initiative, tant qu’elle est en suspens, n’est pas non plus un argument valable pour repousser les négociations, les interrompre ou les faire avancer avec moins d’énergie. Ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de place constitutionnelle pour un nouveau report après l’acceptation de l’initiative qu’un report avant l’entrée en vigueur de l’initiative ou après son éventuel échec est judicieux ou même nécessaire.

L’expression «Ils veillent notamment à ce que le principe européen de l’égalité des conditions de travail pour un même travail sur un même lieu soit mis en œuvre de manière effective et durable en Suisse» se réfère aux exigences en matière de compensation sociale de l’al. 3 et les concrétise. Elle ne doit pas être comprise comme signifiant que la Suisse doit simplement le faire en principe ou qu’elle doit simplement établir un principe. En effet, ce principe existe déjà et cette tournure oblige à le faire respecter, à en faire une réalité: Le Conseil fédéral doit s’assurer que les travailleurs détachés en Suisse sont soumis aux conditions de travail en vigueur dans le pays. Une limite claire doit être fixée à la concurrence au détriment des travailleurs. Le fait que l’on parle de conditions de travail et pas seulement de salaire souligne que la situation des travailleurs et la qualité d’un emploi sont influencées par bien plus que le seul salaire. Ce sont les conditions globales du travail (donc aussi le temps de travail et sa flexibilité, la sécurité sur le lieu de travail, les rémunérations et les temps de repos, etc.) qui doivent être égales, afin que les acquis conquis sur le marché du travail ne soient pas affaiblis. La disposition va donc plus loin que le droit du détachement. Son objectif est d’empêcher le dumping salarial en soumettant les travailleurs détachés aux mêmes conditions de travail que les travailleurs locaux. Les mesures visant à faire respecter ce principe doivent être efficaces et durables.

L’art. 54a et les dispositions transitoires respectent ainsi la répartition constitutionnelle des compétences entre le Conseil fédéral, le Parlement, le peuple et les cantons. Ils respectent en particulier la répartition des compétences entre le Conseil fédéral, d’une part, et l’Assemblée fédérale (ainsi que le peuple et les cantons), d’autre part, prévue à l’art. 184 Cst. Certes, la Constitution donne au Conseil fédéral un objectif que sa politique étrangère et européenne doit viser. Mais il reste au Conseil fédéral le moyen de déterminer la procédure et le timing pour la mise en œuvre de cet objectif, en concertation avec le Parlement et la société civile. Comme dans d’autres dossiers, il représente la Suisse à l’extérieur et mène les négociations avec le partenaire de négociation. Les droits de participation de l’Assemblée fédérale, du corps électoral et des cantons sont également préservés. Les accords exigés par l’art. 54a et tous les autres accords éventuels sont soumis à la procédure d’approbation constitutionnelle. Il en va de même pour une adhésion à l’UE ou à l’EEE. L’initiative tient ainsi pleinement compte de la démocratie directe de la Suisse dans le processus d’intégration européenne.

Les dispositions de l’art. 54a et les dispositions transitoires précisent que l’initiative Europe admet également la possibilité d’une adhésion à l’UE ou à l’Espace économique européen (EEE) ou d’un processus d’intégration par une autre voie future, sans toutefois exiger l’une d’entre elles. Elle fixe des objectifs sans définir constitutionnellement la voie à suivre. Ainsi, l’initiative peut être mise en œuvre par un accord-cadre ou une série d’accords complémentaires qui complètent une solution institutionnelle accord par accord et qui, dans l’ensemble, permettent d’ouvrir à nouveau de nouveaux domaines de coopération et d’actualiser les domaines existants. Inversement, l’initiative n’empêche pas l’adhésion à l’UE ou à l’EEE ni d’autres développements. Dans la perspective d’une solution institutionnelle, l’EEE est une solution de grande envergure et l’adhésion à l’UE la solution institutionnelle la plus poussée, qui exclut dans une large mesure les dérogations au droit de l’UE, mais qui assure en contrepartie une pleine participation aux décisions.

Le texte constitutionnel proposé exprime que l’initiative est globalement axée sur le long terme, qu’elle fixe des objectifs et des exigences minimales, mais que la mise en œuvre est laissée, sur le plan constitutionnel, au processus politique avec toutes ses étapes de procédure et dans le respect des droits du Parlement et des droits populaires.

Combien de temps dure la collecte de signatures pour l’Initiative Europe?

L’Initiative Europe a été officiellement lancée le 2 avril 2024. Pour qu’elle soit soumise au vote, un total d’au moins 100’000 signatures valables doit être récolté dans un délai maximal de 18 mois. La collecte des signatures peut donc durer au maximum jusqu’au 2 octobre 2025.

Le suivi de l’Initiative Europe après la collecte des signatures

Une fois la récolte de signatures terminée, les feuilles de signatures remplies sont remises à la Chancellerie fédérale. Celle-ci vérifie la validité des signatures et constate l’aboutissement de l’initiative. Le Conseil fédéral élabore ensuite un message à l’attention du Parlement. Celui-ci pourrait se prononcer sur l’initiative Europe en 2026 ou 2027. La votation populaire aurait lieu en 2027 ou 2028. Une double majorité est alors nécessaire. Comme l’initiative entraîne une modification de la Constitution, non seulement le peuple, mais aussi les cantons doivent l’approuver à la majorité. Le chemin est donc encore long jusqu’à ce qu’un article sur l’Europe soit inscrit dans la Constitution fédérale.

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[1]        RS  101

[2]        La numérotation définitive de cet article sera fixée après la votation populaire par la Chancellerie fédérale, qui harmonisera la numérotation avec les autres dispositions en vigueur de la Constitution fédérale et procédera à cette adaptation dans tout le texte de l’initiative.

[3]        Le chiffre définitif de cette disposition transitoire sera fixé par la Chancellerie fédérale après la votation populaire.