Soutenons l’accord négocié entre la Suisse et l’UE par Maurice Wagner
Les négociations entre la Suisse et l’UE sur les Bilatérales III sont terminées. Les résultats les plus importants, esquissés ci-dessous, montrent, que la Suisse a obtenu un bon accord. Être patriote, c’est soutenir ce nouvel accord, car il consolide la position de la Suisse vis-à-vis de l’UE.
La tradition d’ouverture de la Suisse a largement contribué à sa prospérité. Aujourd’hui, un enjeu majeur pour le pays est de préserver et de renforcer cette prospérité. Un pilier central de la stratégie de la Suisse doit résider dans le maintien de son ouverture vers les pays de l’Union européenne (UE), avec lesquels elle partage tant de valeurs, et dans le développement de ses relations avec l’UE, son principal partenaire économique. Bien que des puissances émergentes telles que la Chine, l’Inde, l’Indonésie ou encore le MERCOSUR méritent une attention particulière, elles ne sauraient remplacer l’importance stratégique de l’UE.
- L’accord négocié en 2024 entre la Suisse et l’UE
Bien que la teneur exacte de l’accord ne soit pas encore connue, des résumés des résultats des négociations entre Berne et Bruxelles, publiés par le Conseil fédéral, en esquissent les grandes lignes.
Il est important de souligner que l’adhésion de la Suisse à l’UE n’est pas envisagée, contrairement à ce que certains opposants aux négociations actuelles laissent entendre. Par conséquent, les critiques visant l’UE et sa prétendue bureaucratie excessive sont hors de propos.
- Règlement des différends – La question du juge étranger
En cas de litige non résolu entre la Suisse et l’UE, un tribunal arbitral, comprenant un juge suisse, pourra être saisi. C’est ce tribunal qui prendra la décision réglant le différend.
Contrairement aux affirmations des opposants, la Cour de justice de l’UE (CJUE) ne disposera d’aucun pouvoir décisionnel. Elle pourra uniquement émettre un avis juridique sur une question de droit européen, à la demande du tribunal arbitral.
Le mécanisme du tribunal arbitral, dans lequel siégera un juge suisse, représente une amélioration pour la Suisse.
- « Alignement dynamique » de la Suisse au droit de l’UE relatif au marché intérieur
Les résultats des négociations prévoient un alignement dynamique de la Suisse aux évolutions du droit européen dans les domaines du marché intérieur auxquels elle participe. Il n’est en revanche pas question de reprise automatique. L’application du droit européen en dehors des domaines pertinents pour la Suisse n’est pas non plus envisagée.
Certains milieux politiques suisses critiquent cet alignement, mais ils n’expliquent pas en quoi la législation du marché intérieur de l’UE, adoptée par les 27 États membres, pourrait être favorable à ceux-ci mais nuirait aux intérêts suisses.
L’alignement visé par les résultats des négociations respecte les procédures suisses (débats parlementaires, adoption par les Chambres fédérales, référendum), ce qui confirme son caractère non automatique et constitue une avancée par rapport à la situation actuelle.
Si la Suisse refusait sans raison acceptable d’adopter un texte européen pertinent, le tribunal arbitral pourrait exiger une compensation proportionnée. Le fait que l’on évoque une compensation « proportionnée » est un progrès, car la Suisse ne dispose actuellement d’aucun moyen pour garantir des mesures proportionnées en cas de litige.
- Clause de sauvegarde sur la libre circulation des personnes (LCP) et l’immigration
L’accord sur la libre circulation des personnes de 1999 (ALCP) comprend une clause de sauvegarde (article 14, alinéa 2), activée une seule fois par la Suisse, pour les ressortissants de Croatie (2023-2024).
Ceux qui demandent un durcissement de cette clause par l’introduction par exemple de contingents ne précisent pas quel problème concret ils cherchent à résoudre. Le fait est que la majorité des citoyens de l’UE résidant en Suisse ont un emploi, preuve de leur utilité pour l’économie suisse. Limiter leur nombre reviendrait à fragiliser les conditions-cadres qui font la force de la Suisse.
Que se passerait-il si des pays voisins, comme la France, l’Allemagne ou l’Italie, empêchaient leurs citoyens de travailler en Suisse ? Des secteurs clés comme la santé et l’hôtellerie-restauration en souffriraient gravement.
Concernant les travailleurs non européens, des contingents existent déjà, engendrant une bureaucratie importante. Comment les opposants au nouvel accord peuvent-ils réclamer à la fois une réduction de la bureaucratie et davantage de contingents ?
- Frais des travailleurs détachés en Suisse
Cette problématique rappelle celle des « plombiers polonais », redoutés en France en 2005, mais qui n’ont jamais causé de difficultés d’emploi.
Si les règles actuelles sur le remboursement des frais ne conviennent pas à l’Union syndicale suisse (USS), rien ne l’empêche de négocier des accords avec les employeurs pour garantir le paiement des montants suisses. Cependant, soyons réalistes : la Suisse ne peut pas forcer l’UE à modifier sa législation. Rejeter l’accord négocié pour cette raison serait disproportionné et ne se justifie donc pas.
- Consultation populaire avant 2028 : Where there is a will, there is a way!
Vouloir planifier une consultation populaire en 2028 reflète le manque d’enthousiasme de plusieurs membres du Conseil fédéral. Pour éviter un échec populaire, il devra faire preuve de détermination.
Il est irréaliste d’affirmer qu’un vote en 2026 ou 2027 est impossible. Attendre quatre ans est inacceptable, car, pendant ce temps, des secteurs clés comme la medtech et l’industrie des machines vont continuer à souffrir.
Les conseillers fédéraux Guy Parmelin et Ignazio Cassis pourraient ne plus être en poste en 2028 : une raison de plus pour organiser cette consultation pendant la législature actuelle.
- Remarques finales
- La souveraineté suisse est en jeu. Sans les Bilatérales III, la Suisse verra sa souveraineté continuer à s’éroder progressivement. La situation suisse vis-à-vis de l’UE est comparable à celle des glaciers : leur érosion est imperceptible au quotidien, mais une fois disparus, il est trop tard pour agir.
- Les Bilatérales III permettront à la Suisse d’accroître son influence au sein de l’UE sans en devenir membre.
- Les Bilatérales III permettront à la Suisse de ne pas être contrainte, à terme, de quémander son adhésion à l’UE dans une position de faiblesse.
Conclusion
Sur la base des résultats des négociations, le futur accord devrait renforcer la position de la Suisse en lui conférant davantage de droits, que ce soit lors de l’élaboration des règles du marché intérieur, lors de leur mise en œuvre ou encore dans le cadre des mécanismes de règlement des différends.
Être patriote, c’est soutenir ce nouvel accord, car il consolide la position de la Suisse tout en favorisant une coopération ouverte avec ses voisins et partenaires. Un échec lors du référendum exposerait la Suisse à des cadres décidés par l’UE sans participation de la Suisse. Ce serait une « soumission librement consentie », ce que la population suisse ne souhaite certainement pas.
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